vendredi 29 août 2008

Mayon est morte

Hier j’ai fait l’aller-retour à Plazac, le village de mon enfance. Madame Lafon y était enterrée. Elle est morte mardi, elle allait avoir 86 ans.
Quand mes parents arrivent en Dordogne en décembre 1974, Monsieur et Madame Lafon sont leurs plus proches voisins. Ils habitent en haut de la colline. Ce sont des paysans, ils ont des terres, des animaux.
En février 1975 Madame Lafon vient me voir à la maternité, et durant toute mon enfance et mon adolescence, je monte souvent pour voir «Mayon» et Marcel. Je nourris avec elle les lapins, je la regarde gaver les canards, je joue avec ses jumelles posée sur la table du salon. Mon frère et moi rejoignons parfois Marcel le soir quand il vient chercher ses moutons dans les prés.
La dernière fois que je suis allé leur faire une visite c’était en avril.

Hier, après être passé à leur maison pour me recueillir auprès du corps sans vie, reposant tel une poupée de cire, je suis le cortège jusqu’au village. Il y a beaucoup de monde. Le corbillard monte la côte qui mène à l’église, le cercueil est sorti du véhicule.
Il fait très chaud. Seul le crissement des graviers sous les pas de la foule vient troubler un grand silence.
La cérémonie est émouvante. Un jeune prêtre chante, entouré d’un petit chœur composée de vieilles dames aux voix fragiles. A la fin de la cérémonie, c’est tout le village qui vient bénir et faire le tour du cercueil. Je reconnais d'autres figures de mon enfance, la fille de la dame chez qui j’allais chercher le lait, le propriétaire du lac argileux d’à côté, les Anglais qui ont racheté la maison où est né Marcel, la secrétaire de la mairie, le boulanger…
Tout le monde sort lentement de l’église. On traverse l’ancien cimetière, dont mon père avait restauré les murs, on arrive devant le tombeau. Le nouveau cimetière surplombe le village et la vallée.
Marcel, décomposé, en pleurs depuis le début, est assis sur une vieille chaise devant le tombeau ouvert, quelqu’un tient une ombrelle au dessus de sa tête découverte, il ne porte pas son béret.
Le soleil m’aveugle, les chuchotements des gens et le souffle chaud d’une brise légère m’enveloppent, mon regard se perd au loin.

mercredi 13 août 2008

Intermittence et itinérance.

Quatre jours depuis mon retour à Bordeaux. Je tourne un peu rond. Bordeaux est vide. Les amis sont en vadrouille. Je ne suis pas vraiment fatigué mais je manque d'énergie pour partir sur autre chose que le travail. Le désir est assoupi, l'inspiration est floue.
On me propose un long métrage avec Béatrice Dalle, des cours de production dans une nouvelle faculté à Ouarzazate, et aujourd'hui c'est une production bolywoodienne qui m'appelle. Ils voulaient que je démarre demain. J'ai réfléchi pendant deux heures, il y a un mois de tournage prévu dans toute l'Aquitaine avec 55 indiens qui débarquent à la fin du mois. J'ai accepté et je commence la semaine prochaine. Je ne tournerai plus en rond, je tournerai tout court.
Je fais le choix d'enchaîner. Est-ce vraiment un choix? Ça devrait néanmoins me permettre d'arrêter de travailler tout l'hiver. J'envisage une nouvelle traversée des Etats-Unis, toujours d'Est en Ouest, mais par le sud cette fois.
Toujours l'itinérance. En attendant de construire. Pour tenter une autre aventure, peut-être moins intérieure.
Les attentes deviennent plus fortes de jour en jour. C'est un peu long parfois.

dimanche 10 août 2008

Le retour

Retour à Bordeaux depuis hier. Je viens de trier les dernières photos du tournage et de l'équipe (voir lien "Ivul" dans la rubrique Photos).
Je suis finalement assez triste d'avoir quitté l'Ariège et le petit monde que nous formions là bas. Je n'avais pas rencontré de gens aussi agréables depuis longtemps. Des gens humbles, ouverts, créatifs, et dans l'ensemble plutôt heureux. L'aventure humaine a bien eu lieu. Ça me donne des envies.

L'équipe régie du film!

vendredi 8 août 2008

Une production décevante

Le tournage d'Ivul s’est terminé hier. Ce soir c’est la fête de fin de tournage, organisée par un ami du réalisateur, qui lui aussi vit en Ariège depuis une vingtaine d’années. Nous serons perchés tout en haut du montagne, il y a dix kilomètres d’une toute petite route raide et sinueuse pour accéder à la propriété. Sur la montagne d’en face se dresse le château de Montségur, un vestige cathare.
Je suis content de renter à Bordeaux demain, après ces six semaines d'itinérance à travers les Pyrénées.

Mercredi soir en amenant la coproductrice suisse du film à l’aéroport, le malaise que je ressens depuis quelques temps a trouvé des réponses.
Depuis le début les producteurs ont mis en avant la singularité du projet sur lequel ils nous engageaient. Effectivement le scénario est très beau, poétique, étrange. Le réalisateur est souvent à la limite du documentaire et de l’expérimentation. Il ne donne que très peu d'indications de jeu aux acteurs, mise sur un rapport très intime qu’il a établi avec eux, sur la liberté qu’il leur donne. Ça donne des choses qui ne sont pas toujours lisibles.
Pour toutes ces raisons, le financement du film est extrêmement restreint.
Ainsi l'équipe a accepté des conditions difficiles, parfois limites, parce que le projet était à ce point singulier, sensible, parce que l'enjeu ici c'était de s'engager dans une aventure humaine et participer à la réalisation d'un rêve, un rêve qui prenait enfin réalité.
En observant le comportement de la production envers le réalisateur et l’équipe au fur et à mesure de l’avancement du tournage, et depuis cette conversation avec la coproductrice, j’ai compris cependant que nous avions été complètement floué.
Les producteurs, qui connaissent pourtant parfaitement le cinéma du réalisateur, émettent aujourd’hui des doutes sur son travail. Ils vont lui mettre la pression pendant le montage, pour que le film conserve une narration lisible, pour que le film soit « accessible ». Pour qu’il rapporte de l’argent ?!

mardi 5 août 2008

Méditerrannée



Nouvelle escapade ce week end, à l'autre extrémité des Pyrénées cette fois, près de Collioure.
Reprise du travail sur "Ivul" hier, toujours à Fougax et Barrineuf. Plus que trois jours de tournage maintenant. Jusqu'au bout la production aura tiré sur la corde, bien plus que je ne pouvais l'imaginer. Je compte les heures avant le retour à Bordeaux, chez moi, et ce malgré le soutien et les encouragements du réalisateur. Ce soir nous tournons la dernière séquence du film. Alex, l'adolescent qui a fuit sa famille pour vivre dans les arbres, termine son aventure dans une caravane perchée au milieu des arbres. Cette nuit la caravane va s'embraser.

vendredi 1 août 2008