Vendredi c’était l'inauguration à Bordeaux d'Evento, première édition de la biennale d'art contemporain. Sur l'introduction du programme Alain Juppé souhaitait "que cet évènement culturel irrigue les territoires, les cœurs et les esprits, contribuant à rendre Bordeaux encore plus attractive et plus aimable à tous".
Le réveil sonne à 6 heures. Je télécharge sur Internet une nouvelle version du film de Dennis Adams, envoyée dans la nuit par le monteur depuis New York. La veille Dennis est arrivé à Bordeaux, comme beaucoup d’autres artistes de la biennale. Son film est sur un disque dur, mais le fichier ne correspond pas aux moyens de diffusion mis en place par l'équipe d'Evento. La communication entre l'artiste en la production de l'évènement a été pour le moins laborieuse sur cette question, et je découvrirai par ailleurs dans la journée que tous les artistes de la biennale n'ont pas eu le même traitement.
9 heures, je me rend sur le site principal d'Evento, sur les quais, au niveau des Quinconces. Le film de Dennis doit être diffusé dans un container, posé non loin de la scène des concerts et de la grande passerelle de Kawamata, pièce maîtresse du site. Le fichier téléchargé quelques heures plus tôt ne fonctionne pas non plus, nous passons la matinée à trouver d'autres solutions, Dennis à bout de nerfs pense qu'il ferait mieux de rentrer à New York sur le champs. Finalement, à trois heures de la projection presse, c'est un autre artiste, venu de Hong Kong, qui trouve la solution. Tout le monde est rassuré, la fête peut commencer!
Dans l'après-midi je retrouve Dennis et Doug, son galeriste new-yorkais. Nous assistons aux premières entrées du public dans le container. Les visiteurs se font plus nombreux sur le site, ils déambulent à travers les œuvres. L'ambiance sur les quais est inédite. L'art contemporain a drainé un public international qui ne ressemble pas aux touristes habituels, et les bordelais semblent avoir fait le déplacement même si leurs visages expriment une certaine perplexité.
Après un bon Mojito siroté sous le chapiteau principal du site des Quinconces, nous prenons le tram pour nous rendre à la Base Sous-marine, édifice monumental à la périphérie immédiate de la ville, hérité de la deuxième guerre mondiale. Ici c'est une immense exposition consacrée au cinéaste Amos Gitaï; des extraits de ses films sont projetés à l'intérieur de la base, sur les gigantesques murs en béton. C'est un spectacle visuel et sonore extraordinaire.
19 heures, nous revenons en centre-ville avec une navette. Petite pause vin et charcuterie sur la terrasse d'un petit bar sur les quais. La soirée est douce, les new-yorkais sont heureux.
Près du chapiteau c'est ensuite le moment de l'inauguration officielle. Une petite foule s'est amassée devant une estrade, et derrière le pupitre c'est Frédéric Mitterrand qui prend la parole. Le ministre de la culture a donc fait le déplacement. Moins de 24 heures après son intervention sur le journal de TF1, où il s'est expliqué suite à cette polémique lamentable, je suis surpris de le voir et impressionné. Je constate également à quel point la fonction qu'il occupe lui donne une solennité remarquable, l'aura du pouvoir est nettement perceptible. Alain Juppé et Alain Rousset, présents à ses côtés, apparaissent comme relayés au second plan.
Au cours de son discours Mitterrand fait une digression sur le concept d'Intime Collectif, credo de la biennale. Il parle de l'art comme expression de l'intime à l'adresse du collectif, et en cela sujet à toutes les interprétations possibles. Une allusion sans doute aux amalgames qu'il dénonçait la veille.
Le groupe des officiels entame ensuite une déambulation sur le site des Quinconces. Ils viennent devant le container, Juppé y entre et regarde le film, diffusé en continu, pendant quelques secondes, serre la main de Dennis, ils échangent quelques mots. Le cortège s'engage ensuite sur la fameuse passerelle, érigée depuis plusieurs jours déjà, le ruban est coupé, et dans un crépitement de flashs le groupe quitte l'atmosphère feutrée de la biennale pour passer au dessus des voies de circulation et plonger vers la Foire aux Plaisirs, qui a lieu depuis toujours à Bordeaux en cette saison. Là c'est un autre univers, et je me dis que le pari du mariage entre le populaire et l'art contemporain est peut-être réussi; plus tard dans la soirée je reviendrai sur la passerelle éphémère et me dirai que le trait d’union qu’elle symbolise ne durera sans doute que le temps de sa présence au dessus des quais de Bordeaux.
L'évènement suivant est un concert au Grand Théâtre. Je n'y avais pas mis les pieds depuis une visite de classe au lycée. Je suis surpris de la taille, réduite, du "Grand" Théâtre. Je suis à Bordeaux, la salle me le rappelle, tout à coup; ce lieu où les gens assis aux balcons se regardent et regardent ceux qui sont assis plus bas, au parterre. Le concert est une catastrophe. Un mélange de classique, d'électronique et de jazz; l'Orchestre National de Bordeaux joue devant un écran qui diffuse une sorte d'animation graphique sans aucun intérêt; les chanteuses sont habillées de robes années 20 totalement kitch et l'une d'elles s'assoit de temps en temps pour jouer de la scie égoïne; le tout sous la direction d'un chef d'orchestre angolais; aucune unité, aucune harmonie, c'était assez insupportable.
Après cela c'est d'un pas vif que Dennis, Doug et moi nous rendons au Palais Rohan, la mairie a ouvert ses portes pour un cocktail dînatoire. La cour du Palais est superbe, la lumière est tamisée, avec des dominantes rouges, pour rappeler l'affiche d'Evento, qui trône dans l'entrée du bâtiment. Dans les grands salons en enfilades quatre cent personnes sont réunies, le vin et les canapés partent à une vitesse folle. Sur le pas des portes ouvertes sur les jardins à l'arrière, les gens fument près des voitures officielles et des CRS. Je rencontre toutes sortes d'institutionnels avec qui j'ai travaillé ces dernières années sur Bordeaux, quelques amis aussi.
Dennis et Doug rentrent ensuite à l'hôtel, Dennis me donne ses tickets pour l'After Party. Je retrouve mes amis et les y emmène. Ça se passe dans un bar aux Chartrons. Ça parle anglais et allemand dans tous les sens, les hommes portent tous des lunettes design, le champagne coule à flot, mais seules quelques dizaines de personnes en profitent.
Je me suis amusé. En présence de Dennis, ce qui me donnait un peu de distance, j’ai parcouru la ville de long en large, je suis entré dans des lieux que je ne connaissais pas, j’ai revu des visages familiers, en ai découvert de nouveaux.
A quelques semaines de mon départ pour New York, je veux continuer à réfléchir aux passerelles que je pourrais moi-même mettre en place entre le lieu que je quitte et celui que je m’apprête à explorer, que ces lieux fassent partie de la même histoire. Demeurer dans cette idée d’une continuité, d’un mouvement qui met à profit ce qu’il laisse derrière lui.
Vendredi soir cependant cette longue journée inaugurative ressemblait aussi à une tournée d’adieux.
dimanche 11 octobre 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire