samedi 26 septembre 2009

The diner

Il est tard, je rentre juste.
J'ai passé une nouvelle journée à cavaler dans Manhattan; ce matin j'avais rendez-vous avec un producteur français installé depuis dix ans à New York. La perspective de travailler avec lui, clairement évoquée, est la plus excitante parmi toutes celles que j'envisage à l'issue de ce séjour; à moins de trois jours de mon retour à Bordeaux, cette dernière rencontre achève d'esquisser mon chemin new-yorkais.
Ce soir en rentrant à l'appart, j'ai décidé de manger un peu, et de prendre mon temps pour cela, c'est assez rare à Manhattan. Au coin de Houston Street et de Norfolk Street, à quelques blocks de l'Avenue C, il y a ce "diner", un restaurant traditionnel américain; je suis particulièrement attentif à ces espaces ou ces objets à l'intérieur même de New York et dont l'on retrouve l'existence partout aux Etats-Unis; leur imagerie vient asseoir une Amérique intemporelle, celle que l'on voit dans les films, celle que j'aime expérimenter "en vrai", et que l'on attend pas forcément à New York alors que la profusion des ethnies et des cultures donnent plus l'impression d'une capitale internationale que d'une ville américaine.
Le restaurant est donc sur un coin de rue. C'est écrit "DINER" à l'extérieur, sur la tranche du mur, en lettres fluorescentes orange. On pénètre à l'intérieur, dans une sorte de sas, tout en verre et en aluminium brossé. Droit devant, la caisse, puis un long bar qui part dans la profondeur. A droite de l’entrée et à droite du bar, des tables le long des fenêtres, d’où l’on peut voir la rue à travers les stores.
L’ambiance est calme, les ventilateurs au plafond tournent tranquillement, la lumière est très légèrement tamisée.
Le bar est assez large, on peut s’y asseoir pour dîner, sur des sièges à dossier en faux cuir beige, perchés sur des pôles chromés fixés dans le sol. Derrière le bar il y a une multitude de machines pour faire du café, de la crème chantilly, des jus de fruits. Derrière ces machines, le mur est une mosaïque de petits carreaux oranges et marrons. A côté de ces machines se dressent de petites vitrines réfrigérées pleine de gros gâteaux, cheese cake nature, au chocolat, à la fraise. D’autres gâteaux, plus petits, sont présentés sous des cloches transparentes, à même le bar, à côté de kits individuels constitués de couverts, sel, poivre et sucre, disposés devant chaque siège.
Les serveurs sont tous hispaniques, ils portent tous pantalon noir, chemise blanche et cravate. Ils parlent espagnol entre eux. La clientèle, à cette heure de la nuit, est clairsemée. Un couple de vieux, ils portent tous les deux des bérets noirs et des Kway rouges. Un couple plus jeune, lui porte des lunettes années 50, et elle une grosse coiffure. Deux femmes assez étranges, assises devant de gigantesques part de gâteaux. Quatre jeunes latinos, peut-être un peu éméchés, sont les seuls dont on entend les éclats de voix. Même la télé, qui diffuse du catche, n’émet aucun son, mais l’on peut suivre ce qui se passe car c’est sous-titré en anglais; ce soir c’était «Punk» contre «The Undertaker». Le seul bruit régulier est celui du téléphone mural au bout du bar, près de l’entrée de la cuisine, le restaurant semble prendre de nombreuses commandes à livrer à domicile.
Lorsque l’on quitte le restaurant, le serveur vous donne le talon sur lequel il a pris la commande, on l’apporte à la caisse, tenue par la seule femme du personnel. Vingt dollars pour une grosse salade, une gigantesque part de gâteau, une bière, un ventre plein à craquer.

J’ai passé plus d’une heure dans ce «diner». Dans ce lieu, qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c’est comme si le temps s’était arrêté. C’était très agréable.

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